Le numéro 39/3 de la revue Recherches en Didactique des Mathématiques propose au lecteur trois articles qui portent sur des thèmes ou des objets mathématiques de nature différente. Lorsqu’on les rassemble, ces articles mobilisent un nombre important des résultats couvrant un large champ des travaux menés en didactique depuis les origines. En ce sens, ils témoignent du développement, de la richesse et de la spécificité des recherches en didactique des mathématiques.
C’est en particulier le cas de l’article de Nathalie Sayac. Issu d’une Habilitation à Diriger des Recherches, il revient sur le thème de l’évaluation qu’il retravaille afin de verser une nouvelle contribution à l’élaboration d’un cadre didactique pour les pratiques évaluatives. L’article mobilise pour cela les nombreux résultats et les approches théoriques qui, depuis les travaux pionniers d’Yves Chevallard, dès 1986, sur les fonctions didactiques de l’évaluation, ont contribué à faire avancer cette problématique. Bien que le sujet ait nourri depuis des années des travaux menés dans la diversité du champ des recherches sur l’éducation, il est sans doute loin d’être épuisé, tant l’évaluation est adhérente à l’action didactique et à sa finalité, l’apprentissage des personnes en direction desquelles elle est tournée. L’originalité de la contribution de Nathalie Sayac tient dans l’apport de diverses notions dont la place réservée à cet éditorial ne permet que l’évocation de deux d’entre elles : celles d’épisode évaluatif et de logique évaluative des enseignants. L’épisode évaluatif, considéré comme moment de l’enseignement au cours duquel l’enseignant porte des jugements sur l’état des connaissances de ses élèves relativement au savoir, se décompose en diverses tâches évaluatives insérées au sein du contrat didactique et autorisant sa gestion. La logique évaluative des enseignants s’appréhende quant à elle à partir de l’étude de la conception des épisodes évaluatifs par les enseignants. À travers l’évaluation, c’est ainsi une dimension des pratiques enseignantes qui est étudiée par Nathalie Sayac. L’article se termine par l’exemplification de la notion de logique évaluative à travers le cas d’une enseignante de CM2 en France (élèves de 10 à 11 ans) tiré d’une recherche en cours.
L’article de Rosa Elvira Páez Murillo et François Pluvinage relate une expérimentation menée en première année d’école d’ingénieurs au Mexique sur l’enseignement de la notion d’asymptote. Son originalité est double : ne pas recourir à la notion de limite pour l’appréhension du concept par les étudiants, mais à la notion de distance et, pour ce faire, utiliser l’environnement informatique, plus précisément le logiciel GeoGebra, ce qui implique de se placer dans un plan cartésien non euclidien. L’expérimentation est menée à l’aide de la méthodologie dite ACODESA au sein de laquelle, en particulier, l’activité de l’étudiant donne lieu à une production écrite ; cela permet le recueil et le traitement par les chercheurs des réponses aux questions posées au cours de l’ingénierie. Les résultats sont ensuite analysés à partir du cadre des Espaces de Travail Mathématiques (ETM), notamment en ce qui concerne les genèses sémiotique, instrumentale et discursive. L’expérimentation vise, en conclusion, à répondre à un certain nombre de questions. L’environnement informatique peut-il aider au développement d’une ingénierie didactique sur la notion d’asymptote ? Quelles sont les tâches contribuant à l’avancée des trois genèses, notamment en quoi la méthodologie ACODESA permet-elle la progression de l’étudiant dans chacune de ces trois genèses ?
L’article d’Anne Voltolini, issu de sa thèse, croise l’usage d’un logiciel, Cabri Elem, avec celui des instruments traditionnels (règle-compas, papier-crayon) afin de tester l’efficacité d’un duo d’artefacts pour l’apprentissage de la construction de triangles au CM2 en France (élèves de 10 à 11 ans). Le cadre théorique utilisé croise lui aussi deux approches, l’approche instrumentale développée par Pierre Rabardel et le modèle des conceptions élaboré par Nicolas Balacheff, pour travailler les conditions cognitives de l’apprentissage de la géométrie et le concept de déconstruction dimensionnelle développé par Raymond Duval. L’étude, menée sur trente-quatre productions d’élèves, puis ciblée sur le cas d’une élève, permet de discuter la notion de duo d’artefacts qui, pensée a priori, n’existe guère qu’en situation. L’analyse des données empiriques montre la pertinence de la construction théorique proposée.
Ces trois textes clôturent ainsi le numéro 39 de RDM, correspondant à l’année 2019. Nous remercions chaleureusement toutes les personnes : rédactrice adjointe, rédacteurs associés, membres du comité de rédaction, évaluateurs pour les articles, qui ont contribué à la vie de la revue en 2019.
Editorial (EN)
The Issue 39/3 of the journal Recherches en Didactique des Mathématiques offers its reader three papers, which treat themes or mathematical objects of different natures. Viewed together, these papers deploy a significant number of results that cover a large part of the works carried out in didactics since its beginnings. In this sense, they bear witness to the development, richness and specific character of research in didactics of mathematics.
This is, in particular, the case of the paper by Nathalie Sayac. Drawing on a Habilitation à Diriger des Recherches (in France, a kind of senior researcher thesis submitted to be entitled to supervise doctoral students), the paper revisits the theme of assessment which it reopens in order to yield a new contribution to the development of a theoretical framework for assessment practices. To this end, the paper deploys numerous results and theoretical approaches that have contributed to advance on this theme, beginning with the pioneering works of Yves Chevallard on the didactical functions of assessment, from 1986 onwards. Even if the subject has been addressed for years by works from a diversity of areas in the educational sciences, it is no doubt far from exhausted, given that assessment is closely related to didactical activity and its aim, the learning of the individuals it addresses. The originality of the contribution of Nathalie Sayac comes from the way a diversity of notions are brought to bear on this subject, and the space reserved for this editorial only permits to mention two of these notions: that of “assessment episode” and of “teachers’ assessing logic”. The assessment episode, considered at a moment of teaching where the teacher judges the state of his students’ learning with respect to official learning goals, is described in terms of different assessment tasks which are central to the didactical contract and which regulate the way he manages the contract. By way of assessment, it is therefore a dimension of the teaching practices, as studied by Nathalie Sayac. The paper concludes by a case of the assessing logic of a CMS teacher in France (students aged 10-11 years), which are drawn from a study in progress.
The paper by Rosa Elvira Páez Murillo and François Pluvinage reports on an experiment carried out during the first year of an engineering programme in Mexico, in the context of teaching the notion of asymptote. It carries a double originality: not to refer to the notion of limit in the learning of this concept by the students, but instead to the notion of distance, and to this end, to make use of a technological environment, more precisely the Geogebra software, which implies situating oneself in a Cartesian, non-Euclideas plane. The experiment is carried out with the help of a methodology called ACODESA in which, in particular, the student’s activity results in a written product ; this enables the researchers to collect and treat answers to questions asked during the experimental teaching. The results are then analysed within the framework of Mathematical Work Space (MWS), in particular with respect to the semiotical, instrumental and discursive genesis. The experiments aims, in the end, to answer a certain number of questions. Can the technological environment support the development of a didactical design for the notion of asymptote? What tasks contribute to advance the three forms of genesis, and in particular, how does the ACODESA methodology enable the students to progress in each of these?
Anne Voltolini draws on her thesis in a paper which combines the use of the software Cabri Elem with traditional tools (ruler and compass, paper and pencil) to test the efficiency of these two sets of artefacts to facilitate the learning of triangle constructions in French CM2 (students ages 10-11 years). The theoretical framework is also a combination of two approaches, the instrumental approach due to Pierre Rabardel and the model of conceptions constructed by Nicolas Balacheff, and the objective is to investigate the cognitive conditions for learning geometry and the concept of dimensional deconstruction developed by Raymond Duval. The study investigates thirty four student papers, and then focuses on the case of one student, in order to discuss the aforementioned combination of artefacts which, considered a priori, is not combined outside of teaching situations. The data analysis shows the relevance of the proposed theoretical construction.
These three papers thus mark the end of volume 39 of RDM, corresponding to the year 2019. We extend our warmest thanks to the adjoint and associated editors, to the members of the editorial committee, and to the peer reviewers of all the papers – all have contributed to the life of the journal in 2019.
Editorial (ES)
El número 39/3 de la revista Recherches en Didactique des Mathématiques ofrece al lector tres artículos sobre temas y objetos matemáticos de diferente naturaleza. Cuando estos artículos se unen en la presente publicación, se pone de manifiesto el número significativo de resultados movilizados que abarcan una cantidad significativa de los trabajos de investigación desarrollados en didáctica desde los inicios de la disciplina. En este sentido, los artículos demuestran el desarrollo, la riqueza y la especificidad de la investigación en didáctica de las matemáticas.
En particular, el artículo de Nathalie Sayac demuestra este hecho. El trabajo, fruto de una Habilitation à Diriger des Recherches, retoma el tema de la evaluación, el cual se reelabora con el fin de hacer una nueva contribución al desarrollo de un marco didáctico para las prácticas evaluativas. Con este fin, el artículo se basa en los numerosos resultados y enfoques teóricos que, desde el trabajo pionero de Yves Chevallard sobre las funciones didácticas de la evaluación en 1986, han contribuido a hacer avanzar esta cuestión. Aunque el tema ha nutrido durante años numerosos trabajos realizados en la diversidad del campo de la investigación educativa, sin duda está lejos de ser un tema agotado, ya que la evaluación está tan en línea con la acción didáctica y su propósito, el aprendizaje de las personas a las que se dirige. La originalidad de la contribución de Nathalie Sayac radica en la contribución de varias nociones de las que, a causa del pequeño espacio reservado para este editorial, sólo destacaremos dos de ellas: la de episodios evaluativos y la de la lógica evaluativa de los profesores. El episodio evaluativo, considerado como un momento de enseñanza en el que el profesor juzga el estado de conocimiento de sus alumnos en relación con el conocimiento, se divide en varias tareas evaluativas insertadas en el contrato didáctico y que autorizan su gestión. La lógica evaluativa de los profesores se basa en el estudio del diseño de los episodios evaluativos por parte de los profesores. A través de la evaluación, Nathalie Sayac estudia una dimensión de las prácticas de enseñanza. El artículo termina ejemplificando la noción de lógica evaluativa a través del caso de un profesor de CM2 en Francia (estudiantes de 10 a 11 años) de un proyecto de investigación en curso.
El artículo de Rosa Elvira Páez Murillo y François Pluvinage relata un experimento realizado en el primer año de la escuela de ingeniería en México sobre la enseñanza de la noción de asíntota. Su originalidad es doble: no utilizar la noción de límite para la comprensión del concepto por parte de los estudiantes, sino utilizar la noción de distancia y, para ello, utilizar el entorno informático, más precisamente el software GeoGebra, que implica situarse en un plano cartesiano que no es euclidiano. El experimento se realiza utilizando la metodología denominada ACODESA, en la que, en particular, la actividad del alumno da lugar a la producción escrita, lo que permite a los investigadores recoger y procesar las respuestas a las preguntas planteadas durante el proceso de ingeniería didáctica. A continuación, los resultados se analizan utilizando el marco de los Espaces de Travail Mathématiques (ETM), especialmente en lo que se refiere a la génesis semiótica, instrumental y discursiva. El experimento pretende responder a una serie de preguntas. ¿Puede el entorno informático ayudar en el desarrollo de la ingeniería didáctica sobre la noción de asíntota? ¿Cuáles son las tareas que contribuyen al progreso de los tres génesis, en particular cómo la metodología de ACODESA permite al estudiante progresar en cada uno de estos tres genes?
El artículo de Anne Voltolini, basado en su tesis, combina el uso de un programa informático, Cabri Elem, con el de las herramientas tradicionales (regla-compás, lápiz-papel) para comprobar la eficacia de una pareja de artefactos para aprender a construir triángulos en CM2 en Francia (estudiantes de 10 a 11 años). El marco teórico utilizado también combina dos enfoques, el enfoque instrumental desarrollado por Pierre Rabardel y el modèle des conceptions desarrollado por Nicolas Balacheff, para trabajar sobre las condiciones cognitivas del aprendizaje de la geometría y el concepto de deconstrucción dimensional desarrollado por Raymond Duval. El estudio, realizado sobre treinta y cuatro producciones estudiantiles y centrado en el caso de un estudiante, nos permite discutir la noción de una pareja de artefactos que, a priori, sólo existe en una situación. El análisis de los datos empíricos muestra la relevancia de la construcción teórica propuesta.
Estos tres textos cierran así el número 39 de RDM, correspondiente al año 2019. Agradecemos calurosamente a todos aquellos que contribuyeron a la vida de la revista en 2019: editor asistente, editores asociados, miembros del consejo editorial y a los revisores de artículos.