Dans ce numéro 2 de 2023, vous trouverez trois articles d’auteurs français et tunisiens. Les deux premiers articles présentent un travail sur la transposition didactique. L’un étudie les phénomènes de transposition relatifs aux équations différentielles, au niveau de la fin du secondaire en Tunisie. L’autre analyse et compare les transpositions didactiques de notions de statistique à l’université et en école d’ingénieurs. Dans les deux cas, le fait que l’objet mathématique considéré soit un outil de modélisation pour d’autres disciplines que les mathématiques est un point clef de l’étude de la transposition. Le troisième article, relatif à la vigilance didactique à propos de la géométrie du cercle à l’école primaire, peut lui aussi être considéré comme relatif à la transposition didactique, si l’on considère que la caractérisation du savoir tel qu’il est enseigné dans la classe est l’aboutissement du processus de circulation et transformation des savoirs capturé par le concept de transposition.
Pour commencer, l’article de Sonia Ben Nejma et Anis Jabrane, à propos des équations différentielles, met en évidence le décalage entre les pratiques effectives des enseignants de mathématiques et les instructions officielles de l’institution lycée en Tunisie. À partir d’une méthodologie en trois volets, comprenant une étude épistémologique, une analyse de l’évolution institutionnelle de la notion et une description des pratiques enseignantes révélées par des cahiers d’élèves, ils réussissent à montrer que l’apprêtage didactique du savoir à enseigner ne tient toujours pas compte des orientations introduites par la réforme il y a près de 20 ans. Le traitement algébrique reste prépondérant, associé à un travail sur les représentations graphiques limité et une pauvreté du discours technologique. Le rôle des équations différentielles pour modéliser les situations extra-mathématiques est loin d’occuper la place attendue dans les pratiques des enseignants.
Antoine Rolland est un mathématicien qui aborde la didactique en présentant une analyse exploratoire de la transposition didactique de notions statistiques avancées au niveau de l’enseignement supérieur spécialisé en mathématiques. À partir de supports de cours de cinq enseignants appartenant à six institutions différentes, école d’ingénieurs, DUT, licence ou master universitaires, il met en évidence l’existence d’un savoir à enseigner partagé bien qu’il n’existe pas de coordination formelle entre ces formations ni de noosphère externe. Ce savoir à enseigner diverge cependant sur la forme, selon l’orientation plus théorique ou plus pratique retenue pour la modélisation statistique, tension identifiée dans la discipline statistique qui constitue le savoir de référence. De façon surprenante, ces orientations ne sont pas uniformes selon les filières, généralistes ou spécialisés, ni selon les niveaux d’enseignement. Toutes les formations considérées retiennent une approche de la modélisation statistique orientée vers la pratique, avec, selon les enseignants, la prévalence d’un objectif de maitrise technique ou bien d’un objectif de généralisation de ces techniques. C’est ainsi plutôt l’équilibre entre théorie mathématique et finalité pratique qui différencie le savoir à enseigner relatif à la modélisation statistique dans chaque formation.
Le dernier article, rédigé par Claire Guille-Biel Winder et Christine Mangiante-Orsola, reprend et enrichit le concept de vigilance didactique introduit par Monique Charles-Pézard pour caractériser la façon dont un enseignant utilise ses connaissances mathématiques et didactiques pour contrôler le déroulement de son enseignement et ses effets sur l’apprentissage. Elles affirment que la prise en compte des gestes et des finalités d’apprentissage est nécessairement associée à celle des connaissances mathématiques et didactiques de l’enseignant pour pouvoir comprendre et rendre compte de l’exercice de la vigilance didactique. Appliquée au cas d’une leçon de CM1, sur le cercle comme ensemble de points équidistants du centre, leur méthodologie permet de voir comment l’enseignant réagit, s’adapte, pilote la séance de façon dynamique pour préserver au mieux les apprentissages. Elles montrent alors comment le niveau de vigilance didactique déployé par l’enseignant dépend non seulement de ses connaissances mathématiques et didactiques, mais aussi de la ressource qui présente la tâche proposée aux élèves.
Nous vous souhaitons une bonne lecture de ce numéro.
ÉDITORIAL (EN)
In this second issue of 2023, you will find three papers by French and Tunisian authors. The two first papers present works on the didactic transposition. One studies transposition phenomena related to differential equations at the upper secondary school level in Tunisia. The other analyses and compares the didactic transposition of statistics to be taught at university and at a polytechnical school. In both cases, the fact that the mathematical subject functions as a modeling tool in disciplines other than mathematics is a key point in the study of the transposition. The third paper, bearing on epistemological vigilance in the context of the geometry of circles in primary school, can also be regarded as connected to the didactic transposition, when considering that the characterization of the knowledge taught in a classroom concerns the end result of a process of the dissemination and transformation of knowledge, which is indeed inherent to the notion of transposition.
More specifically, the paper by Sonia Ben Nejma and Anis Jabrane, on differential equations, exposes the gap between the actual mathematical practices of mathematics teachers and the official instructions for the upper secondary school institution in Tunisia. Deploying a three-step methodology comprising an epistemological study, an analysis of the institutional development, and a description of the teaching practice based on students’ notebooks, they succeed to demonstrate that the didactic realization of the content to be taught does not yet take into account the guidelines introduced by the reform dating back almost 20 years. Algebraic procedures continue to dominate, accompanied by auxiliary graphic representations and a poor technological discourse. In the teachers’ practice, the role of differential equations in modeling extra-mathematical situations does not get the attention which is officially required.
Antoine Rolland is a mathematician who addresses the didactic by presenting an exploratory analysis of the didactic transposition of advanced statistical notions in the context of post-secondary teaching of mathematics, for advanced students in mathematics. Based on course material used by five teachers in six different institutions – polytechnical school, university institutes of technology, bachelor and master degrees at university – he shows how these various teachings share a common core of contents to be taught, even if there is no formal coordination between the contexts, or an external noosphere. Still, the contents to be taught differ in form, giving more or less weight to theoretical and practical aspects of statistical modeling, a tension that exists also in the statistical science itself, which constitutes the scholarly reference for these teaching practices. Surprisingly, these different emphases do not depend uniformly on the study programs – general or specialised – or on the levels of teaching. All of the programs considered emphasise an approach to statistical modeling which is driven by practice and, according to the teachers, with a prevalence of the goal to master techniques or else the goal of generalizing techniques. By consequence, what differentiates the knowledge of statistical modeling to be taught, is more the various balances between mathematical theory and practical goals within each study program.
The last paper, delivered by Claire Guille-Biel Winder et Christine Mangiante-Orsola, adopts and extends the notion of didactic vigilance introduced by Monique Charles-Pézard, to characterise the way in which a teacher invests her didactic and mathematical knowledge in the management of her teaching and its effects on learning. They confirm that to understand and describe the exercise of epistemological vigilance, taking into account the processes and aims of learning is closely related to the teacher’s mathematical and didactic knowledge. Applying their methodology to the case of a sequence of grade 4 lessons on the circle, presented as the set of points with a fixed distance to its center, they show how the teacher reacts, adapts and leads the sessions in a dynamic manner, to capture and further learning as best as possible. They demonstrate how the level of the teacher’s actual didactic vigilance depend not only on her didactic and mathematical knowledge but also on the resources offered by the tasks given to the pupils.
We wish you happy reading of this issue.
ÉDITORIAL (ES)
Este segundo número de 2023 incluye tres artículos de autores franceses y tunecinos. Los dos primeros artículos presentan un trabajo sobre la transposición didáctica. Uno estudia los fenómenos de transposición relativos a las ecuaciones diferenciales, a nivel de los últimos cursos de secundaria en Túnez. El otro analiza y compara la transposición didáctica de nociones avanzadas de estadística en la universidad y en las escuelas de ingeniería. En ambos casos, el hecho de que el objeto matemático considerado sea una herramienta de modelización para otras disciplinas que no sean las matemáticas es un punto clave del estudio de la transposición. El tercer artículo, relativo a la vigilancia didáctica sobre la geometría del círculo en la escuela primaria, también puede ser considerado como cercano a la transposición didáctica, si se considera que la caracterización del saber tal como se enseña en la clase es el resultado del proceso de circulación y transformación de los saberes capturado por el concepto de transposición. »
Para empezar, el artículo de Sonia Ben Nejma y Anis Jabrane sobre las ecuaciones diferenciales pone de manifiesto la discrepancia entre las prácticas reales de los profesores de matemáticas y el currículo oficial del bachillerato tunecino. Mediante una metodología organizada en tres vertientes que comprende un estudio epistemológico, un análisis de la evolución institucional del concepto y una descripción de las prácticas pedagógicas reveladas en los cuadernos de los alumnos, se consigue demostrar que la preparación didáctica de los conocimientos que deben enseñarse sigue sin tener en cuenta las orientaciones introducidas por la reforma curricular hace casi 20 años. El enfoque algebraico sigue siendo predominante, combinado con un trabajo limitado sobre las representaciones gráficas y una falta de discurso tecnológico. El papel de las ecuaciones diferenciales en la modelización de situaciones extramatemáticas está lejos de ocupar el lugar esperado en las prácticas de los profesores.
Antoine Rolland es un matemático que aborda la didáctica presentando un análisis exploratorio de la transposición didáctica de conceptos estadísticos avanzados en la enseñanza superior especializada en matemáticas. Basándose en el material didáctico de cinco profesores de seis instituciones diferentes – escuelas de ingeniería, DUT y licenciaturas y másteres universitarios -, demuestra que existe un corpus compartido de conocimientos que enseñar, aunque no exista una coordinación formal entre estos cursos ni una noosfera externa. Sin embargo, estos conocimientos pedagógicos difieren en su forma, en función de la orientación más teórica o práctica adoptada para la modelización estadística, tensión identificada en la disciplina estadística que constituye el conocimiento de referencia. Sorprendentemente, estas orientaciones no son uniformes entre las formaciones generalistas o especializadas, ni entre los niveles de enseñanza. Todos los cursos considerados adoptan un enfoque de la modelización estadística orientado a la práctica, con predominio, según el profesor, de un objetivo de dominio técnico o de un objetivo de generalización de estas técnicas. Por tanto, es el equilibrio entre la teoría matemática y los objetivos prácticos lo que diferencia los conocimientos que deben enseñarse sobre modelización estadística en cada curso.
El último artículo, de Claire Guille-Biel Winder y Christine Mangiante-Orsola, retoma y amplía el concepto de vigilancia didáctica introducido por Monique Charles-Pézard para caracterizar la manera en que los profesores utilizan sus conocimientos matemáticos y didácticos para controlar el progreso de su enseñanza y sus efectos en el aprendizaje. Afirman que la consideración de los gestos y objetivos de aprendizaje está necesariamente asociada a la de los conocimientos matemáticos y didácticos del profesor para poder comprender y dar cuenta del ejercicio de la vigilancia didáctica. Aplicada al caso de una lección de CM1 (cuarto curso de primaria) sobre el círculo como conjunto de puntos equidistantes del centro, su metodología muestra cómo el profesor reacciona, se adapta y dirige dinámicamente la sesión para preservar al máximo el aprendizaje. Muestran cómo el nivel de vigilancia didáctica desplegado por el profesor depende no sólo de sus conocimientos matemáticos y didácticos, sino también del recurso que presenta la tarea propuesta a los alumnos.
¡Buena lectura a todas y todos!